Au fil de ma vie… IX



L’AMOUR EST UN ŒUF A LA COQUE

Aimer comme on mange un œuf à la coque !
Se laisser fasciner par son apparence :
absolu, perfection, beauté si pure de la forme…

Casser sec la coquille
s’attendrir de ses éclats
s’émerveiller des couleurs

Plonger sa cuiller avec précaution
repérer le blanc de cette pellicule
si fine et si fragile
avant d’engloutir le regard
dans ce jaune si sensuel et si imprévisible :
douce navigation !

Sera-t-il moelleux, trop cuit ou pas assez ?

Prolonger le plaisir
tournicoter jusqu’à risquer la brisure
pour avoir voulu « tout »

Jouir jusqu’au bout 
alors que le plaisir touche à sa fin

Sensations délicieuses
qu’il suffira plus tard d’évoquer
pour retrouver cet « amour-œuf »
L’amour est une huile essentielle
qui se déguste sur un sucre
ou nous tue de son amertume 

Jusqu'à la pensée diluée
jusqu'à l'ivresse retrouvée
mes yeux ont bu la lumière 
 
La fenêtre reste fermée
préservant ma mélancolie
 
Un bonheur endormi
douceur imprévue
se pose sur ma vie

Lumières de ma nuit
les pensées clignotent
le cœur palpite
et pourtant tout est calme

Apparition (récit d’un rêve)
 
Boucles blanches sautillantes
virgules heureuses de ton visage 
au regard intense et tendre
 
Soutien gorge noir et pantalon indécis
je ris avec des amis
 
Tu m'enlèves
je suis plaquée contre toi
je sens sous mes doigts
ton sexe présent...
et je me réveille!

J’ai garde ton goût

Depuis de longues heures
la chambre est silence
elle attend elle sait

Depuis ton départ
j’ai gardé ton goût
très doux si velouté
rien ne peut le chasser

Il est là en moi
dans ma bouche et dans mon corps
je le respire 
je le fais naviguer 
de ma langue à mes dents

Presque sucré
si chaud
si évident

Le temps m’a volé ton image
il m’a aussi volé ta voix
et il m’a volé ton odeur
si douce à mon cœur et mon corps

Mais tu es là 
et je t’entends
tout est vrai
rien n’est réel
la pensée peut tout
la mémoire embarquée
pour un nouveau voyage

Tu es comme un gisant
la tête renversée
le corps abandonné

Ta main glisse à mon dos
qui me paraît si doux
caresses oubliées
peau qu’on croyait inerte
qui tout à coup revit
doucement tendrement

Ma bouche a retrouvé
le chemin de ton cri

Ton cri

L’attente a disparu
le calme est revenu en moi 

Ton cri résonne encore
un long cri de douleur
ou de bonheur extrême
qui bouleverse l’espace
et fait cogner mon souffle

Offrande sacrée 
intime miracle
te garder dans ma bouche 
au plus profond
jusqu’à ce que tu dormes
ton corps échoué le long du mien
en attendant l'aurore

J’entre tout doucement 
dans la chambre	
un son inconnu me parvient
gémissement si musical
au creux de ton oreiller

Le lit est ton bateau
sur une mer si calme

Oserai-je te réveiller ?

Bonheur et vertige
sérénité dans l’ivresse
des émotions partagées
intimité des âmes
complicité aiguë
des regards
des silences

Ma bouche attaque tendrement ton sexe
si dur et si doux
je m’enfonce sur toi
rythme éperdu
vertical
puis je reprends mon souffle

Et pendant ce temps-là
ta main s’est égarée
au plus profond
dans l’inconnu obscur
jusqu’alors ignoré

Puis elle s’est imposée
m’aiguillonnant dans un assaut habile 
rythme précis
horizontal

Je me laisse envahir
par ce plaisir étrange
ma fontaine jaillit 
sans que tu m’aies touchée 
au nid de mon désir

Offrande à ma bouche
tes cris se succèdent
bonheur saccadé
moment hors du temps

Ne pas tremper tes draps
et te laisser dormir !

La douleur a disparu
mais tu n’es plus là

Frémissements de mon ventre
impatient
tout à coup
assoiffé
de ma source possible

Te voir surgir en moi
en oubliant la nuit

Enregistrement
 
Je te donne ma voix
et mon souffle est le tien
 
Intimité unique
instants inoubliables
 
Incisifs et profonds
tes yeux entrent dans moi
comme un sexe imprévu

Tu es nu tout à coup
si pudique et si beau
dans tes imperfections
dressé en toi
statue d’évidence

Le jour s’infiltre en moi
comme un filet sacré
il n’est pas de futur
rien qu’un présent serein
si proche du bonheur

Les yeux clos
etonnée d’être « là »
je respire

Le cœur bat doucement
la vie s’est installée
et je sens sa lumière

Gribouillis de la nuit    	

Ma main sans moi
une vague tremblante
une énergie diffuse
et rythmée à la fois

Une explosion puis deux puis trois puis…

Envie de compter le plaisir
chaque fois est unique 
et semblable à toute autre

La jouissance éclatée
alors que le temps fuit
ces cris libérateurs
l'arrachement à soi
toute pudeur niée

Conscience aiguë de l’abandon ultime
et retour au silence
un peu mélancolique

Sérénité dans l’attente

Mes bras sont vides
et ma bouche orpheline

Doucement patiemment
mon ventre se prépare
oui plus tard on verra
virginité étrange
et difficile à vivre
et si douce à la fois

Les ombres dans l’herbe
respirent la sérénité
installée dans mon corps

Acupuncture

Les aiguilles plantées
dans la ligne de vie
les mains tendues vers le ciel
le désir monte et s’installe

Désir

Désir-douceur
désir-douleur
exultation extrême
urgence de la main
l’espace se secoue presque sereinement
mon cri
ressemble à ton cri

Bonheur inédit

Le corps est là
le corps est las
douleurs 
de la vie qui passe
et pourtant
loin en moi
cette énergie intime
exaltation intense
au-delà du réel
l’émotion est intacte
et le bonheur inouï
tout est toujours possible
et la mort attendra

La vie palpite en moi
en tous petits morceaux
eclats de ton soleil
soupirs de mes silences

Et le souffle haletant
que donne l’aventure
est ancré comme un clou
dans mon corps qui se rend

La mémoire et l’oubli 
habitent ton image
un sourire un peu flou
une voix si lointaine
et la pensée s’évade
et le corps se dissout
le bonheur s’interroge

La fenêtre s’est entr’ouverte
et j’aperçois la vie qui passe 
et qui picore et qui s’installe
et qui s’écroule et se relève

Tour à tour éperdue
de bonheur 
de douleur

Ardente et mélancolique	
elle s’accroche au temps
compagnon infidèle
qui toujours l’a trahie
il n’y a pas d’espoir
dit la mort
qui ricane

Les branches de la vie
peuvent se fracasser
si le vent les surprend
mais le tronc est solide
et la terre gorgée
de nos désirs féconds

Où donc est ton sourire ?
Je l’ai cherché partout
jusqu’au fond de mon sac !

Et puis j’ai trop « pensé » :
la vie, la mort, le temps,
allez, ouste !

Il faut laisser la place 
à nos regards complices ;
au bonheur à croquer, 
juste là,
maintenant !

L’absence a brisé
l’écorce qui protégeait
l’invisible
emotion
d’une intimité retrouvée
la vie plane
et le temps
s’évanouit doucement

L’attente a commencé

Laisser le soleil parler seul
rester présent à sa lumière
mais savoir oublier le ciel
qui s’en va et puis qui repart
vers ses amours toujours lointaines
et nous enrobe à notre insu
de souvenirs mélancoliques

Ta voix est un duvet qui vole au vent du cœur
ta bouche imprévisible au sourire désarmant
pourrait fendre le corps de ses mots incisifs
ou offrir le soleil à un jour ombrageux
tes yeux en s’allumant clignotent l’indicible

Un « amour-papillon » 
c’est si simple parfois

Une larme a séché au bord de ton sourire

L’écume de ta vie galope sur la mer
mes vagues éblouies palpitent au soleil
un sillon jaillissant semble fendre l’espace
au-delà du bateau qui dit le cœur qui cogne !

Souvenir de sieste

Comme un fœtus heureux
je dors – et je sais que je dors 
je tourne les yeux qui restent fermés
et pourtant je te vois

Tu apparais les yeux brillants
tendresse sautillante et sourire amusé

J’aperçois tout à coup dans l’ombre de la porte
une « annonciation » accrochée dans l’espace
les ailes de l’archange et le « sourire de reims »

Tu quittes un lit invisible
et tu marches à grands pas vers ce « tableau-photo »

Tes jambes sont gainées d’un collant jaune orange

- Monsieur L. est en short !
- Eh oui, je suis en short !

Et tu pars en riant

Insolence de l’espace
et poids du temps qui se tord

L’attente me disloque

Distillée l’attente
goutte à goutte dans mon corps
et mon cœur éclate

Je m'écoute gémir
dans la nuit qui se tait
et ton nom vibre en moi
comme un oiseau blessé
qui s'apprête à mourir

Le jour cède à la nuit
car la nuit est plus forte
et la vie va céder
car la mort est plus forte

Il faut s’enfuir
et de soi-même
et de l’ennui
et du bonheur
et de la vie

La lumière est éteinte
et mon regard est mort
le vent de la mémoire 
amène la tristesse
et l’innocence a fui
vaincue par le hasard

Plus jamais…
Plus jamais ?

La pluie épaissit la pensée
je deviens un bois mort
l’avenir disparaît

Faut-il encore chanter
quitte à casser sa voix
jusqu'à présent si pure
 
Faut-il encore rêver
quitte à briser son souffle
attardé dans l'espoir
comme le chant du cygne
 
Faut-il encore guérir
envers et contre tout
guérir du mal de vivre
et revenir vers toi
vers toi encore si proche
vers toi déjà si loin
 
Ou écrire des poèmes
éclats des vérités
brisures des soleils, 
moirures des étoiles
qui habitent nos coeurs 
et font frémir nos corps
écrire pour rester là,
pour vivre là en toi
et que peut être un jour 
tout devienne facile...
 
Il suffit d'un regard
il suffit d'un silence
douceur de les attendre 
et douleur d'en douter...

« A » comme Amour
« A » comme Abandon
« A » comme Absence
		
Le A a perdu sa barre		
le navire est tout nu et se retrouve seul
avec son désarroi
dans l’océan du cœur qui promet de gronder

L’amour a perdu son cap
l’espace est noir
et le silence est blanc

Ce n'est pas un poème...

Aimer c'est mieux qu'être amoureux
on n'attend rien
on goûte
sans avidité
tranquillement
on ne « veut » pas
on est heureux de ce qui arrive
l'Autre est là, présent 
même absent
mais l'on est sans angoisse,
sans excitation véritable
aucun manque après l'absence
juste heureux
 
Je n'ai pas l'habitude
c'est très doux
 
Un jour, tu as nommé cela 
« bonheur tranquille »