« Poèmes – sculptures »

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Poèmes : Annie Jeanneret – Dessins : Guidi

Annie Jeanneret nous livre, on va le voir, la part la plus secrète d’elle-même, ces zones de l’âme où se mêlent l’Angoisse et l’Espérance, ces jardins intérieurs avec leurs «fleurs d’ombre» et leurs «fleurs de soleil». Et Guidi l’accompagne pas à pas dans ce cheminement entre la Solitude et l’Amour, avec son Art de symboliser ces mouvements profonds de l’Être, cette part de vie que seule peut sauver notre ferveur.
Paul Belmondo

Annie Jeanneret enthüllt uns, wir werden es sehen, die geheimsten Seiten ihres Selbst, die Bereiche der Seele wo sich die Angst und die Hoffnung durchdringen, diese inneren Gärten mit ihren Blumen des Schattens und ihren Blumen des Lichts. Und Guidi begleitet sie, Schritt für Schritt, durch das Labyrinth der Einsamkeit und der Liebe, mit seiner Kunst diese tiefen Empfindungen nachvollziehend, diese Seite des Lebens, die nur durch unsere völlige Hingabe gerettet werden kann. (HF)

Des mains pour inventer
et des mains pour étreindre, 
des mains pour travailler, 
des mains pour consoler : 

Mains qui créez le Monde
ou qui brisez la Vie !
Mains des amants, 
des prisonniers.

Des mains pour l’Amitié
et pour la Liberté
des mains pour la pensée, 
des mains pour la Beauté !


Handen om te ontdekken
Handen om te omarmen
Handen om te werken
Handen om te troosten

Handen die de wereld maken
Of die het leven breken
Handen van verliefden
En van gevangenen

Handen voor vriendschap
En voor de vrijheid
Voor het Denken
Handen voor de schoonheid !

(JH)
Le paysage de tes yeux
est allé se cogner 
au coeur de la Mer

Le paysage de ma vie
est allé tournoyer
aux vents de la mémoire 

tes yeux ma vie 
la mer le vent 
et la mémoire

habitent mon silence
et font glisser les heures


Het landschap van je ogen
vermengt zich
met het hart van de zee

Het landschap van mijn leven
draait rond op de vind
van de herinnering

Je ogen mijn leven
de zee de wind
en de herinnering

Bewonen mijn stlite
en laten de uren verglijden

(JH)
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Au soleil de la vie
aux vents de l’avenir
et de notre mémoire

Silence embaumé
de l’Espace

Sommeil du Temps
sur mon corps suspendu

Je sais
notre Tendresse

Indissolublement


In der Sonne des Lebens
in den Lüften der Zukunft
und der Erinnerung

In der duftenden Stille
des Raumes

In der wohligen Schläfrigkeit
meines Körpers

Weiss ich
unsere Zertlichkeit

Unauflöslich

(HF)
Un enfant est venu, 
un enfant s’est blotti
pour trouver sa lumière

Niché au creux de Nous
il regarde déjà
loin de notre Tendresse

Il s’envole déjà
loin de notre avenir

Impassible 
et secret

Un enfant est venu


Ein Kind ist gekommen
ein Kind hat sich eingenistet
um sein Licht zu finden

Tief in uns geborgen
strebt es weg 
von unserer Zärtlichkeit

Bricht es schon auf
in seine ferne Zukunft

gleichmütig
geheimnisvoll

Ein Kind ist gekommen

(HF)
Un enfant
joue
sur le chemin du Rêve

Un enfant 
court
et riant aux éclats
cheveux ébouriffés

Trébuche
sur sa vie

Jaillissement de l’Être, 
lumière épanouie
du feu que l’on ranime, 
Eclatement simultané

Offrant mon mystère
exaltant les tempêtes 
de l’Ame

Enivrée de cette insolence

Ta vie en moi
la Vie

À jamais triomphante !
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Où sont les yeux du souvenir
quand la pensée se perd
dans l’espace insensible ?

Où sont les vérités fragiles
à la pliure des vents
du cœur impénétrable ?

Où sont les matins éblouis
et les nuits sans cristaux
d’angoisse et de douleur ?


Waar zijn de ogen van de herinnering
als de gedachten verloren gaan
in de Gevoelloze Ruimte ?

Waar zijn de breekbare waarheden
op het keerpunt van het ademen
van het Mysterieuze Hart ?

Waar zijn de gelukzalige ochtenden
en de nachten zonder de prikkeling
van Angst en Smart ?

(MB)


Wo sind die Augen der Erinnerung
wenn die Gedanken entschwinden
im gleichgültigen Raum ?

Wo sind die zerbrechlichen Wahrheiten
im Widerstreit der Elemente
des undurchdringlichen Herzens ?

Wo sind die strahlenden Morgen
und die Nächte ohne Kristalle 
der Angst und des Schmerzes ?

(HF)
Les ciels brumeux
de nos aurores 
d’amour
irriguent nos corps
de leur lueur glacée

La mort silencieuse
et continue
des jours
brûle nos vies
de sa duplicité

Et nous allons, 
silencieux
et secrets, 
vers des lendemains
impalpables !
Jardin tout dentelé
de regards silencieux

Soleil apprivoisé 
et noyé sous la peau

Brises éclaboussées 
à nos rythmes secrets

Transparence éblouie 
du temps qui se dilue :

La pluie de l’attente
perle dans mon corps
et l’infini parfum
fait frissonner l’espace
Les yeux de la mémoire
veulent aveuglément 
conquérir l’avenir aux envols incertains

Les mains de la pensée
rejettent, amèrement, 
les conquêtes du corps 
aux déserts extatiques

Les ongles de la vie
grattent obstinément
la carcasse éraflée
du Rêve Interrompu
Nous ruissellerons tous
des larmes que nous n’avons pas su répandre

Et la terre
cataracte de nos maux
souffrance illuminée des plaisirs mal vécus

Et le ciel empourpré de nos égarements

Et nos éclats du coeur
ces lointains absorbés de souvenirs tonitruants

Nous emmèneront
comme d’imperceptibles gazelles de plumes

À travers le désert de nos vies défroquées
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J’étouffe de bonheur
je crie dans mon silence
et dans ma solitude

Et je ne suis plus
qu’un perpétuel frémissement
tendu vers toi

L’absence
est un fer rouge
enfoncé dans mon corps


Geluk  beneemt mij de adem
Ik schreeuw in mijn Stilte
en in mijn eenzaamheid

En ik ben niet meer
dan een steeds weerkerende
siddering gericht op jou

De Afwezigheid
is een rood brandmerk
gedreven in mijn lichaam

(MB)


Erstickend vor Glück
schreie ich in der Stille
des Alleinseins

Bin nur noch 
bebendes Sehnen
getrenntsein von dir

Glühendes Eisen
der Abwesenheit
in meinem Leib

(HF)
Nuits sombres, 
nuits farouches, 
nuits hostiles, 

Pourquoi glissez-vous parfois sur moi

Si calmes, si tendres, 
à force de regards, 
à force de chaleur, 
à force de caresses… 

Nuits hantées, 
nuits étranges

Qui pesez sur ma solitude !
J’ai tué le temps
qui m’avait lacérée
de ses brûlures systématiques, 

J’ai tué l’ilôt fragile, 
germe de mon désespoir définitif, 

J’ai tué tout ce que j’ai pu
de toi, en moi, 

J’ai tué la mémoire
et j’ai tué l’oubli !

Enserrée dans le rêve insupportable, 
face à la vérité nue :
moi, 
sans toi, 

Je me réenfante chaque jour, 
je me réinvente chaque nuit, 

Et mon corps retrouvé, 
et mes larmes de joie
que je croyais taries
une apparence
de bonheur
fugitif et violent

me portent
vers un futur
indémontrable !
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Donne moi 
tes yeux
pour y noyer mes rêves, 

donne moi
ta main
pour y chercher le Vrai, 

donne moi
ta chaleur
pour y mêler la mienne !

Tes yeux noieront mes rêves
en s’accrochant aux miens
et ta main trouvera la mienne
pour marcher…

Le chemin est si loin, 
ta douceur est si proche !

Et si cela n’était qu’un songe…


Geef mij
je ogen
om er mijn dromen in te verdrinken

Geef mij
je hand
om er het Ware in te vinden

Geef mij
je warmte
om er de mijne mee te vermengen

Je ogen zullen de mijne
vasthoudend, mijn dromen verdrinken
en je hand zal de mijne vinden
omvoort te gaan

Het pad is zo ver
je zachtheid zo dichtbij

En wat als dat niets dan een mijmering is ?

(MB)
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Tu me fais naviguer
au large de mes songes, 
tu m’insuffles le monde
et tu me tiens blottie, 
là, au creux de tes mains, 

Car la Mer nous attend, 
terrible et fabuleuse…

Ton ancre
est la plus belle
que j’aie pu rêver, 

Le coeur cogne et palpite :

L’horizon se dévoile
à notre Vérité !


Durch dich segle ich
in des Unendlichkeit meiner Traüme
du hauchst mir die Welt ein
und du hältst mich umfangen
hier in der Höhlung deiner Hände

Denn das Meer wartet uns
erschrecklich und schön

Du Anker
schönstes
was ich erträumen konnte

Das Herz schlägt und zittert

Der Horizont weicht
unserer Wahrheit !

(HF)
Le soleil
aveuglant mes désirs
éclabousse mon corps
de ses âpres langueurs

Et ton corps
disparu
dans le rayonnement du jour

S’arrime
à la mélancolie
toujours présente


Die Sonne 
verwirrt seine Sinne
befleckt meinen Leib
mit rauher Begierde

Und dein Bild
verschwunden
im gleissenden Licht des Tager

Kettet sich
an die Traurigkeit
dir immer da ist

(HF)
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Ton visage est allé 
conquérir ma mémoire, 
il échappe et il joue 
dans l’Espace éclaté, 
éclaboussant ma vie, 
obsédant mes désirs :

Le tenir dans mes mains 
comme l’eau d’une source, 
oser lui faire face
et te donner mes yeux
rayonnants de ton corps 
et de notre silence

Et te donner ton nom, 
ton Nom à perdre haleine
et savoir, sans le dire, 
blessure réinventée, 
que j’existe 
dans Toi !
Près de toi, 
loin de toi, 
du délire à la transparence, 

Près de tout, 
loin de tout, 
du désespoir à la tendresse, 

Nous irons, 
quotidiens, 
écartelés dans notre Absolu, 

Retrouver
la voie
du pur Silence !


Dichtbij je, 
Ver van je, 
Van vervoering tot inzicht

Dichtbij alles
ver van alles
van wanhoop tot tederheid

Wij zullen verscheurd 
in onze volmaaktheid
van alle dag

De weg terugvinden 
van de zuivere stilte !

(MB)
Les coeurs s’étirent 
de leur propre discordance, 
rythmes effarouchés, angoisses contrôlées
jusqu’au souffle de l’Art
impuissant à retenir l’airain
du combat intérieur, 

Vrillée à son double, la pensée s’obstine
à déchirer mécaniquement
ce qui n’est pas l’Autre, 

Le corps s’effrite et bouillonne
de la vie qui lui est volée
à chaque seconde, 

Éternités successives
de l’absence implacable, 

L’espace est tordu de lancinances futures
mais le soir, presque patiemment, 
suspend l’obsession et le rêve !
Loin des respirations saccadées 
de l’Angoisse

Loin de ce lourd appel
que tu ne peux entendre

Loin des éclairs de feu
qui attaquent mon corps

Tu existes, sans moi, 

Je flotte dans ma vie, 
portée par le soleil
de mes cathédrales intérieures !


Fern vom Entsetzen
das mir dem Atem raubt

Fern vom Verzeiflungsschrei
den du nicht hören kannst

Fern vom Feuer
das meinen Leib verbrennt

Bist du ohne mich

Ich gleite ins Leben
getragen vom Licht
meines Innersten
meiner Kathedrale !

(HF)    
Les escarres de la nuit 
ont décuplé le Rêve, 

La brume évanouie
me fait bannir le corps
pourtant évanescent
de lourdeurs et de cris

Alentour, sur la Vie, 
les rythmes égarés
d’imperceptibles nuages

Pétrifient
ces instants 
de Noir et d’Or
brûlés
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Fluidité douloureuse de l’Absence, 

Fragilité des jours

Nous glissons dans un brouillard d’Attente

Et nous nous pétrifions, 

Sans pouvoir oublier
les pics de nos folies
le parfum de l’Amour, 
nos vallées intérieures
envahies par l’Espoir 

Et notre Vérité…
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Les nuits sans toi
impriment leur délire, 
parfums indélébiles au sourire irréel, 
terrible certitude éparpillée du rêve, 

Absence insupportable
et pourtant nécessaire, 
épreuve initiatique de l’amour retrouvé :

Tu me donnes la vie
et tu peux la reprendre, 
d’un mot, d’un non-regard…

Et j’ai peur
des soupirs lumineux 
qu’on croyait calcinés, 
de l’effluve étouffé qui éclate vers toi, 

Et je voudrais crier
ces mots inaltérables qu’on croyait perdus, 

Mais je retiens ma voix, 
et j’ai peur
et j’ai froid !
La mort s’agrippe au bonheur, 
crochetant les moments limpides, 
effritant le granit des rêves, 

La mort est là, 
toujours présente
et toujours jugulée, 

Tenue en respect
par la lumière
de notre Certitude !


Der Tod krallt sich ins Glück
zernagt die lichten Stunden
zerfrisst den Granit der Träume

Der Tod ist da
immer gegenwärtig

Doch zurückgewiesen
von der Kraft
unseres Willens !

(HF)
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Ainsi, j’avais vécu, 
carapace ombragée 
d’on ne sait quels bienfaisants mirages, 

Collines insolentes au soleil des aveux

Ainsi, j’avais vécu, 
lumière éternisée de l’éclat intérieur
éclaboussement perpétuel
des voies lactées englouties

Ainsi les secrets se fourvoient, 
ainsi la Vérité se pétrifie

Ainsi le corps
trahit sa flamme !