Instantanés



INSTANTANÉS POÉTIQUES – PENSÉES

Le temps est élastique
on l’étire 
il s’étend
délice
agacement
soupirs
détestation
amour désespéré

Il est notre ennemi
et nous le savons bien
sans cesse et sans succès
nous voulons le séduire
ses traces sont terribles
et nous n’y pouvons rien
juste aimer ce qu’il est
la vie de notre vie
Le ciel respire le soleil
un peu surpris d’être encore là
tranquillement
les arbres s’étirent sous la caresse
une ombre traverse la route

Le soleil a picoré la fenêtre
des gouttes de sel s’y reposent

Les petits bruits de la maison
endormie
se mêlent au vent dans les herbes fluides
un chat miaule en espérant l’amour
ne pas bousculer le temps
demain sera doré
je le lui ai promis

Gouttelettes de vie
gouttelettes de poire
et jus de mes désirs
si fruités et si doux
qu’il faut les respirer
de peur de les dissoudre
de peur de se diluer
soi même
en son jardin si secret 

La rose

Elle a été si belle

Pétale après pétale
systématiquement
elle se déshabille

Toujours stoïque
purifiée de sa vie
ses restes de beauté
sont encore "la" beauté

Elle meurt avec panache
sous nos regards
émus

Je suis un arbre mort
ma beauté vous intrigue
ma beauté vous dérange
ma beauté vous fascine
ma solitude est pure	
et mon silence aride

L’herbe est douce à mes yeux fatigués
le temps avale le temps
et je suis enroulée
à mon effervescence

Je suis une feuille fanée
et je frissonne sous le vent
prête à ne pas m’envoler

Le bain bouillonne
les buses
passent dans la vitre
et le ciel les accueille
si bleu si pur
un grand arbre
salue
lumière de l’été
et calme du silence

CANICULE

Le soleil a tout bu
et la terre meurt de soif
la vie semble arrêtée

Une petite touffe est là
qui vous fait signe
un vert imprévisible
et l'espoir retrouvé

LA LOIRE (pour Eugenia Petreu)

La Loire a perdu son eau
la vie a perdu son souffle
les pieds se cognent aux pierres sèches
la lumière
est dérisoire
et notre destin étouffé

La pierre surgit de l’eau
et tient le Temps
à distance

Le souffle est court 
la vie trop longue

France Musique mercredi 29 octobre 2015
« In convertendo » (Rameau) 

Émotion
exultation  
larmes de joie
ne pas réapparaître
à soi-même ou aux autres
ne plus respirer
douleur et douceur
la musique envahit le temps
la vie est suspendue

« TIT MIEL »

Un chat est entré dans ma vie
si doucement
chaleur et caresses
complicité tendresse…
où sont les mots pour le dire ?

Existe-t-il un homme-chat
qui se glisse au creux de vos doigts
vient se blottir dans vos cheveux
se coule au long de votre épaule
et caresse votre visage
avec une douceur exquise…
existe-t-il, cet homme-là ?

Mon petit chat est mort

La voiture est passée
tueuse indifférente
en laissant deux plaies rouges
à la tête à la patte
violence à la douceur
scandale à la tendresse
outrage à la beauté

Ton regard si profond
si vif et si complice
et ton pelage roux
si doux à la caresse
annulés niés pour jamais

Ton corps est une ombre pesante
immobilité absurde
révoltante raideur
la vie s’est arrêtée
et je suis orpheline…

Secouée par le chagrin
je te joue du piano
je te dis un poème
je te prends dans mes bras
je te mets dans la terre

Il faut vivre ta mort
fer rouge plongé dans l’eau 
de ma sérénité retrouvée

La lumière d'automne
apprivoise la mort
la tombe est encore fraîche
et la terre étonnée
de se retrouver là
culbutée éclatée...
le petit chat 
s'endort

Un poème
une rose
quelques fleurs dérisoires
et magiques à la fois
pour escorter
la pensée
tremblante

J’ai pleuré de beauté
devant les yeux d’un chat
le soir était tremblant
l’amour était trop loin
la vie semblait absurde
ces larmes m’ont sauvée
au moins pour quelque temps