
HIVER A VENISE D’un son ouaté, intime, Les cloches nous appellent, Le léger clapotis des barques, des gondoles, Nous parvient des canaux si calmes : Douce musique au rythme lent, Evidente respiration ! Les coques se cognent Au loin dans la nuit opaque La lumière glisse finement aux fenêtres Sur les grilles des palais Qu’on croit inhabités, Superbes dans leur délabrement même : Dignité perdue de ces vieux aristocrates Qui savaient mourir debout… Des pas feutrés se pressent, Solitude nue au vrai visage : Venise ne se livre qu’en hiver… On est là, seul, Entre les colonnes de la Piazzetta Tout près du Palais des Doges La lagune, bouche d’ombre, Ventre de l’Obscur Nous appelle à travers le cri d’une mouette égarée : Le Temps S’annule !
NEIGE SUR VENISE La neige Doucement Caresse les gondoles, Effleure les canaux Et palpe les palais… La vie se feutre Tout à coup : Poétique douleur De la brume Et du vent !
PROMENADE… Sur les palais, Dans les « calle », Sur le rio, Sur la lagune, Le soleil se fait léger Les pas bruissent, Les mots frémissent On se cogne en souriant, Dans un « sottoportego » : « Scusi ! », « Ciao ! » Les dentelles sont sur les murs, Une mouette se pose, Un gondolier s’envole !
MOUETTES Est-il oiseau Plus élégant, plus léger et plus pur ? Plus avide et cruel et plus imprévisible… Eblouissantes chorégraphies A regarder des heures Où dans un cri d’amour Ciel et mer se confondent Car c’est un cri d’amour, déchirant et tragique, Peu musical, diront certains… Pouvons-nous contrôler la passion de vivre ? Et le cri de l’amour est-il si musical ? Mouettes douces, têtues, Images de nos vies…
CARNAVAL… Pouvoir enfin s’aimer, et se connaître, Et s’inventer, se trouver, soi, Sous son propre regard et sous celui des autres : Pourquoi pas sous le masque ? Sont-ils moins « vrais », ces visages blafards Blanchis au blanc d’Espagne, Maquillés jusqu’à la dérision, jusqu’à l’agression ? Ces Pierrots tragiques, ces soleils somptueux, Ces « morts » Qui se promènent glorieusement Amoureux de la vie, sans doute, Plus que quiconque ! Sont-ils moins vrais, Ces êtres si fragiles et si désespérés, Mais qui seuls ou à deux éclatent de lumière, Doges, marquis, étoiles, clowns ou toréadors : Tragédie dans la joie, libération des autres Pour enfin être « Soi » !
LAGUNE… Vagues glauques de la Lagune, Si épaisses et si douces, Mouvances tristes de la vie qui passe, Rouleaux de tendresse et de mort Pâte pétrie sans cesse en un vertige étrange, Insidieuse douceur, Magie du Temps Inaltérable !
LE CIEL ET LA MER… Là-bas, sur la lagune En un baiser unique : Un instant suspendu : Lumière et douceur Ciel et mer Se rencontrent A l’horizon du rêve…
SOLEILS… Soleils éclatés, Soleils écartelés, Soleils de mort, Soleils de nuit de corps Soleils de fin de vie ! Les piquets percent la lagune Ainsi que la douleur de nos vies terrassées… Deux ou trois barques, au loin, Semblent chercher le ciel, Images de nous-mêmes ? Où est la vérité… Car on devient aveugle en fixant le soleil !
MASQUE MASQUÉ… Là, bien au creux de soi, En toute nudité A l’abri des regards Loin de tout jugement Soliloque dans l’ombre Et rêves étonnés Se cacher pour survivre ; Protéger son silence Et donner L’Essentiel… GEMASKERD MASKER… Gemaskerd masker, Daar in de veilige diepte van het zelf In alle naaktheid Beschut voor blikken Ver van elke beoordeling Alleenspraak in de schaduw En in wonderlijke dromen Zich verbergen om te leven En zijn stilte te beschermen Om tenslotte de essentie te geven
ACQUA ALTA La sirène a hurlé dans le froid du matin : Marée haute ! acqua alta ! Miroirs à San Marco, reflets somptueux et vifs : On foule l’or aux pieds, magie de la lumière, Poétiques visions, enchantement du rêve ! On se frotte les yeux Et l’on découvre ailleurs… Des meubles inondés désormais inutiles, Rez-de-chaussées de l’ombre interdits de séjour, En principe interdits pour insalubrité Les loyers sont moins chers Un peu plus de misère, Un peu plus de beauté, Comment s’abandonner, Comment n’y pas penser ?
GONDOLE… Longue ligne élégante Noire, Sobre, Racée, La gondole a glissé Sur la lagune grise… Fascination d’un mot, Souvenirs et symboles…
LE VAPORETTO Le vaporetto Glisse sur l’eau plombée Sillage calme et précis Musique au gré du coeur Rythme du silence et des vagues Mille fois retrouvé, mille fois découvert Le bateau palpite Dans la nuit qui tombe...
REFLETS… Fascination consciente ou inconsciente La lumière et l’ombre, L’air et l’eau mêlés Indissociablement Mirage et vérité, Fascination de nous-même ? Musical frémissement, Petites morts successives, Les larmes de la beauté se plongent dans la mer Nos abîmes jouissent dans l’ombre Lancinante douceur, Les ponts, les êtres, les maisons, Les lumières diffuses, les lampes si précises : Ponctuations syncopées des eaux tremblantes Rêve vertigineux, Appel du vide et du néant… Savoir des choses et de nous-même Où en est le reflet, Où est la vérité, Pourquoi « Savoir ? »


HIVER A VENISE
D’un son ouaté, intime,
Les cloches nous appellent,
Le léger clapotis des barques,
des gondoles,
Nous parvient des canaux si calmes :
Douce musique au rythme lent,
Evidente respiration !
Les coques se cognent
Au loin dans la nuit opaque
La lumière glisse finement aux fenêtres
Sur les grilles des palais
Qu’on croit inhabités,
Superbes dans leur délabrement même :
Dignité perdue de ces vieux
aristocrates
Qui savaient mourir debout…
Des pas feutrés se pressent,
Solitude nue au vrai visage :
Venise ne se livre qu’en hiver…
On est là, seul,
Entre les colonnes de la Piazzetta
Tout près du Palais des Doges
La lagune, bouche d’ombre,
Ventre de l’Obscur
Nous appelle
à travers le cri d’une mouette égarée :
Le Temps
S’annule !
NEIGE SUR VENISE
La neige
Doucement
Caresse les gondoles,
Effleure les canaux
Et palpe les palais…
La vie se feutre
Tout à coup :
Poétique douleur
De la brume
Et du vent !
MOUETTES
Est-il oiseau
Plus élégant, plus léger
et plus pur ?
Plus avide et cruel et
plus imprévisible…
Eblouissantes
chorégraphies
A regarder des heures
Où dans un cri d’amour
Ciel et mer se confondent
Car c’est un cri d’amour,
déchirant et tragique,
Peu musical, diront
certains…
Pouvons-nous contrôler la
passion de vivre ?
Et le cri de l’amour
est-il si musical ?
Mouettes douces, têtues,
Images de nos vies…
CARNAVAL…
Pouvoir enfin s’aimer, et se connaître,
Et s’inventer, se trouver, soi,
Sous son propre regard et sous celui des autres :
Pourquoi pas sous le masque ?
Sont-ils moins « vrais », ces visages blafards
Blanchis au blanc d’Espagne,
Maquillés jusqu’à la dérision, jusqu’à l’agression ?
Ces Pierrots tragiques, ces soleils somptueux,
Ces « morts »
Qui se promènent glorieusement
Amoureux de la vie, sans doute,
Plus que quiconque !
Sont-ils moins vrais,
Ces êtres si fragiles et si désespérés,
Mais qui seuls ou à deux éclatent de lumière,
Doges, marquis, étoiles, clowns ou toréadors :
Tragédie dans la joie, libération des autres
Pour enfin être « Soi » !
LAGUNE…
Vagues glauques de la Lagune,
Si épaisses et si douces,
Mouvances tristes de la vie
qui passe,
Rouleaux de tendresse et de
mort
Pâte pétrie sans cesse en un
vertige étrange,
Insidieuse douceur,
Magie du Temps
Inaltérable !
SOLEILS…
Soleils éclatés,
Soleils écartelés,
Soleils de mort,
Soleils de nuit de corps
Soleils de fin de vie !
Les piquets percent la
lagune
Ainsi que la douleur de nos
vies terrassées…
Deux ou trois barques, au
loin,
Semblent chercher le ciel,
Images de nous-mêmes ?
Où est la vérité…
Car on devient aveugle en
fixant le soleil !
ACQUA ALTA
La sirène a hurlé dans le froid du matin :
Marée haute ! acqua alta !
Miroirs à San Marco, reflets somptueux et vifs :
On foule l’or aux pieds, magie de la lumière,
Poétiques visions, enchantement du rêve !
On se frotte les yeux
Et l’on découvre ailleurs…
Des meubles inondés désormais inutiles,
Rez-de-chaussées de l’ombre interdits de séjour,
En principe interdits pour insalubrité
Les loyers sont moins chers
Un peu plus de misère,
Un peu plus de beauté,
Comment s’abandonner,
Comment n’y pas penser ?
LE VAPORETTO
Le vaporetto
Glisse sur l’eau plombée
Sillage calme et précis
Musique au gré du coeur
Rythme du silence et des vagues
Mille fois retrouvé, mille fois découvert
Le bateau palpite
Dans la nuit qui tombe...
REFLETS…
Fascination consciente ou
inconsciente
La lumière et l’ombre,
L’air et l’eau mêlés
Indissociablement
Mirage et vérité,
Fascination de nous-même ?
Musical frémissement,
Petites morts successives,
Les larmes de la beauté se plongent
dans la mer
Nos abîmes jouissent dans l’ombre
Lancinante douceur,
Les ponts, les êtres, les maisons,
Les lumières diffuses, les lampes
si précises :
Ponctuations syncopées des eaux
tremblantes
Rêve vertigineux,
Appel du vide et du néant…
Savoir des choses et de nous-même
Où en est le reflet,
Où est la vérité,
Pourquoi
« Savoir ? »